Souvenirs d’une Algérie ensanglantée, où bourreaux et victimes sont confondus par la nuit et par les médias étrangers. Le temps est rythmé par les balles et les cris des mères. L’espace est un gouffre qui arrache à la vie toute ses possibilités et sa langue originelle. Histoire d’une violence devenue déjà un tabou. Désir d’un autre espace où l’on peut s’asseoir. On va alors vers des lieux autres mais sans jamais trouver la tranquillité rêvée. Après chaque arrivée, il faut partir de nouveau car comment rester dans ce pays où l’étranger est présenté comme un monstre, où le capitalisme domine, et comment survivre quand l’amour – espace de tous les espoirs – s’est évanoui ? On revient au berceau et au tombeau premiers pour répondre aux questions des os et faire pousser des fleurs sur les tombes.
Face à l’absence d’un espace-temps historique stable, le texte crée discrètement et sans exclusivité son propre espace, tissé par le signe fondateur de la « mort » appelant à être transformé par « Une langue-âme/ Dans une langue-corps » qui porte les traces et les déchirures de la culture kabyle. Il reste que cet espace textuel hésite quant au rapport qu’il doit entretenir avec le monde. Faut-il être dans le tragique ou dans le cynisme ? Faut-il philosopher, poétiser ou tout simplement constater ? Faut-il faire de la politique ou adopter (adapter ?) une religion ? Faut-il séparer la réinvention du Moi de la réinvention de Dieu ?
Biographie de ALI CHIBANI
Ali Chibani, auteur du recueil poétique L’Expiation des innocents, est docteur en littérature comparée avec une thèse soutenue à la Sorbonne et intitulée « Temps clos et ruptures spatiales dans les œuvres de l’écrivain francophone Tahar Djaout et du chanteur-poète kabyle Lounis Aït Menguellet ». Il collabore au mensuel Le Monde diplomatique, aux sites web SlateAfrique.com et Tv5 Monde, Grotius.fr ainsi qu’à la revue Cultures Sud. Il a également co-fondé le blog littéraire La Plume Francophone.