
A l’image de sa méthode de communication, Zacharie Acafou a choisi un titre musclé pour son essai sur la littérature africaine d’expression française. Est-elle un cadavre à la renverse? Que signifie cette expression utilisée par Jean-Paul Sartre à l’endroit de la gauche française ou encore récemment par Bernard Henri-Levy? Il y a là un jeu de référence intéressant mais extrêmement délicat. En effet, la lecture de l’essai se trouve orientée et abordée sous l’angle de ce prisme. Le cadavre à la renverse, on va le chercher. Et la réussite de l’essai dépendra principalement de la réponse qu’apportera Acafou à cette question.
La première phase de son essai est une présentation de la littérature africaine écrite. L’essayiste y présente un historique des grands mouvements des lettres africaines, allant chercher ses premières sources dans les slaves narratives. Le portrait proposé est assez complet et couvre à peu près tous les âges de cette jeune littérature. Il exprime une posture un peu plus critique en définissant la littérature africaine comme un extrême-occident. La notion de périphérie est récurrente quand on parle de littérature africaine ou francophone vis-à-vis de la littérature française, les schèmes néocoloniaux se poursuivent inlassablement. Suffisent-ils à définir cette littérature africaine comme un grand cadavre à la renverse où les vers se sont mis? Sous la plume de Zacharie Acafou, on s’attend à l’autopsie d’un cadavre et au sortir de sa présentation, son analyse nous est plutôt chargée d’espérance.
Connaissant quelques unes de ses chroniques, car ayant fréquenté régulièrement son blog, j’aurais pu faire l’impasse et éviter de lire les 58 recensions extraites pour l’essentiel de son site internet qu’il propose dans la seconde phase de son ouvrage. Mais, je dois dire que j’ai lu cette série d’articles avec le plaisir de découvrir de nouveaux textes mais également en pointant du doigt des tics, des récurrences dans le propos de Zacharie Acafou qu’il aurait beaucoup gagné à analyser et qui forgent, à mon avis, sur la singularité de son regard de lecteur.
Le terrain de la publication
Lors de l’Université Populaire de la Littérature Africaine où il était question de faire un état des lieux de la critique littéraire africaine, je signalais l’intérêt personnel que j’avais à lire les chroniques de Zacharie : il est une vitrine significative d’auteurs publiés sur le continent Africain et qui ont souvent encore moins de visibilité que les auteurs dont les éditeurs sont parisiens. Le point fort dans la production d’Acafou réside dans le spectre très large, traitant avec la même subjectivité un auteur attirant sur lui la focale des objectifs parisiens ou celle/celui qui fait la rentrée littéraire de Bamako. Il y a là une ouverture d’esprit et une résistance au diktat parisien de l’édition que beaucoup subissent passivement.
Critique et subjectivité : La question de la sincérité
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Un reproche que je pourrais faire aussi à mon collègue Zacharie Acafou, c’est de délaisser, comme il l’a si bien exprimé lors de l’Université Populaire de la littérature Africaine, les instruments de la critique littéraire dont il est pourtant équipé pour ne donner qu’un avis brut dans son blog littéraire sur les oeuvres qu’il apprécie ou pas. Je n’ai naturellement pas à dire comment Acafou doit mener son travail, mais je peux m’exprimer au travers de l’essai qu’il nous propose et observer certains manquements.
Il n’empêche que par son ouverture, la pluralité des réservoirs dans lesquels il tire ses lectures, Zacharie Acafou est le critique africain qui me fait découvrir le plus de nouvelles oeuvres inattendues. Comprenant mieux sa grille de lecture, c’est avec un autre regard que je découvrirais ses chroniques.
(Source : http://gangoueus.blogspot.fr)