Cette émission est la première d’une trilogie consacrée à trois artistes : BRUNO PEDURAND, Ernest Breleur et David Damoison. Cette trilogie d’émission est en réalité un greffon de l’événement «3×3 ».
Initié par la Fondation Clément, sous la direction du commissaire indépendant Simon Njami (Africa Remix, premier pavillon africain à la biennale de Venise 2007), l’événement 3X3, est une proposition des pratiques artistiques de la Caraïbe. Du 8 avril au 15 juillet 2010, 3 galeries parisiennes ont accueillis 3 artistes contemporains originaires de la Guadeloupe et de la Martinique : Bruno Pédurand, du 8 avril-8 mai, à la Galerie Olivier Robert ; Ernest Breleur du 6 mai-18 juin à la Galerie Les Filles du Calvaire et David Damoison à la Galerie Anne de Villepoix, 15 juin-15 juillet.
Bruno PEDURAND, l’invité de cette émission est diplômé de l’Institut régional d’arts visuels de Martinique où il enseigne aujourd’hui.
Depuis plusieurs années, il développe un travail artistique qui vise à dénoncer la standardisation des imaginaires dans les sociétés contemporaines envahies par les biens de consommation, comme les Antilles françaises. C’est ainsi que l’exposition « Amnésia » s’inscrit dans une démarche d’archéologie mentale. En réactivant des éléments relevant de pratiques sociales comme le jeu dans l’installation « les enfants du Père Labat » ou la religion dans l’installation « l’héritage de Cham », Bruno Pédurand fait appel à une mémoire collective.
« Les enfants du Père Labat » est une pièce constituée de 100 têtes de baigneurs en plâtre peint et surmontée chacune du drapeau d’un pays africain, qui fait allusion aux diasporas africaines, en grande partie à l’origine des populations du Nouveau Monde.
Le Père Labat, missionnaire, propriétaire terrien, ingénieur et écrivain au XVIIème siècle a joué un rôle déterminant dans l’histoire des colonies françaises. Instigateur des plus violentes campagnes de destruction d’objets de cultes rapportés par les esclaves africains, mais aussi l’inventeur d’une eau-de-vie qui devint le rhum, le Père Labat est un personnage ambivalent. Il est haï pour son entreprise d’aliénation et d’acculturation et aimé pour la création du rhum dont le commerce fut profitable.
Dans « l’héritage de Cham », les images sont un matériau aux qualités plastiques et au contenu symbolique, trait d’union entre la réalité identifiable et le domaine invisible de la religion, de la philosophie et de la magie. Elles servent de matières premières à des manipulations plastiques dont la mise en œuvre évoque le rituel. Sous l’action du feu, les couleurs et les signes sont peu à peu noircis, modifiés, altérés. La flamme intervient comme outil, elle permet de réduire les images à l’état de simples signes. La combustion peut aussi avoir valeur de sublimation dans l’acte de création de nouvelles images qui naissent alors des cendres de celles qui les ont générées. C’est, peut être, une métaphore du processus qui a conduit à l’émergence des sociétés antillaises.
Bruno Pédurand notre invité du jour a participé entre autres à la Biennale des arts visuels de Saint-Domingue, à l’exposition « Un autre pays, escales africaines » présentée au CAAM (Centro Atlantico de Arte moderno) à Las Palmas, au musée Palau à Barcelone et à la Kunsthalle de Krems (Autriche). Son travail a été présenté dans l’exposition itinérante « La route de l’art sur la route de l’esclave », à Latitudes 2002 et, récemment, dans des expositions personnelles en Martinique et en Guadeloupe.